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… car il ne faut pas qu’il libère l’entité qui s’y trouve emprisonnée.
Allongée à terre, Vin pleurait en silence.
La grotte était silencieuse, la tempête avait pris fin. L’entité avait disparu et les pulsations s’étaient enfin tues dans sa tête. Elle renifla, étreignant Elend des deux bras tandis qu’il exhalait ses derniers souffles. Elle avait hurlé pour appeler Ham et Spectre et demander leur aide, mais en vain. Ils étaient trop loin.
Elle avait froid. Elle se sentait vide. Après avoir détenu un tel pouvoir, puis l’avoir vu arraché d’elle, il lui semblait n’être plus rien. Et lorsque Elend serait mort, ce serait le cas.
À quoi bon continuer ? se dit-elle. La vie n’a plus aucun sens. J’ai trahi Elend. J’ai trahi le monde.
Elle ignorait au juste ce qui s’était passé, mais savait avoir commis une erreur atroce. Le pire était de savoir qu’elle s’était efforcée d’agir au mieux, malgré la douleur.
Quelque chose se dressa au-dessus d’elle. Elle leva les yeux vers l’esprit des brumes, mais ne parvint même pas à éprouver de rage. Pour l’heure, elle avait du mal à éprouver quoi que ce soit.
L’esprit leva le bras et désigna quelque chose.
— C’est terminé, murmura-t-elle.
Il tendit le doigt avec insistance.
— Je ne les rejoindrai jamais à temps, dit-elle. Et puis j’ai bien vu à quel point la blessure est grave. Je l’ai vu avec ce pouvoir. Aucun d’entre eux ne pourrait faire quoi que ce soit, même pas Sazed. Alors vous devriez être content. Vous avez eu ce que vous vouliez…
Elle laissa sa phrase en suspens. Pourquoi l’esprit avait-il poignardé Elend ?
Pour m’obliger à le guérir, se dit-elle. Pour m’empêcher… de relâcher ce pouvoir.
Elle cligna des yeux. L’esprit agita le bras.
Lentement, toujours engourdie, elle se leva. Elle regarda l’esprit, comme en transe, tandis qu’il flottait à quelques pas d’elle et désignait quelque chose à terre. La pièce était obscure, à présent que l’étang était vide, et seule la lanterne d’Elend l’éclairait. Elle dut attiser son étain pour voir ce que lui montrait l’esprit.
Un morceau de poterie. Le disque qu’Elend avait pris au fond de la pièce, et qu’il tenait en main. Il s’était brisé lorsque Elend s’était effondré.
L’esprit des brumes le montra avec insistance. Vin s’approcha et se pencha, et ses doigts touchèrent la pépite de métal qui s’était trouvée au centre du disque.
— Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-elle.
L’esprit des brumes se retourna et flotta en direction d’Elend. Vin le rejoignit en silence.
Il était toujours en vie. Il paraissait s’affaiblir et tremblait moins. Curieusement, à mesure qu’il approchait de la mort, il semblait un peu plus maître de lui. Il la regarda tandis qu’elle s’agenouillait, et elle vit remuer ses lèvres.
— Vin…, chuchota-t-il.
Elle s’agenouilla près de lui, regarda la bille de métal, puis leva les yeux vers l’esprit. Il se tenait immobile. Elle fit rouler la bille entre ses doigts, puis fit mine de l’avaler.
L’esprit agita les mains avec insistance. Vin s’arrêta, et l’esprit désigna Elend.
Quoi ? se demanda-t-elle. Cependant, elle n’était pas vraiment en état de penser. Elle tendit la pépite à Elend.
— Elend, lui murmura-t-elle en se penchant vers lui. Tu dois avaler ça.
Elle ignorait s’il la comprenait ou pas, mais il sembla hocher la tête. Elle plaça le morceau de métal dans sa bouche. Ses lèvres bougèrent, mais il commença à s’étrangler.
Je dois lui donner quelque chose pour la faire passer, se dit-elle. La seule chose qu’elle possédait était l’un de ses flacons de métaux. Elle plongea la main dans l’étang vide pour y récupérer sa boucle d’oreille et sa ceinture. Elle en tira un flacon, puis lui versa le liquide dans la bouche.
Elend continua à tousser faiblement, mais le liquide fit son effet et lui permit d’avaler la bille de métal. Vin s’agenouilla, prise d’une impression d’impuissance, contraste décourageant avec ce qu’elle avait ressenti quelques instants plus tôt. Elend ferma les yeux.
Puis, curieusement, la couleur sembla revenir à ses joues. Vin s’agenouilla, perplexe, et le regarda. Son expression, la façon dont il se tenait, la couleur de sa peau…
Elle brûla du bronze et, stupéfaite, sentit des vibrations émaner d’Elend.
Il brûlait du potin.